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Stèle en abîme

(wax, oil, pigments in serum)

Two suns one night

(wax, oil, pigments in serum)

Winds and blue (wax, oil, pigments in serum)

« Les espaces s'évertuent loin les uns des autres, mais ils mettent la même ardeur à tourmenter leurs matières puis à les organiser en transparences qui à leur tour reviennent à l'harmonie primordiale. Ainsi apprenons--nous à fréquenter le Monde dans ses éclats irréductibles aussi bien que dans ses lumières fluides, unies comme les limons de fleuves qui se rencontrent.


La couleur est le sang noir et bleu de ces architectures.


Les fractures dénouent des liens invisibles.


Le dessin laisse mûrir ces fruits. »


Édouard Glissant


  

EXPOSITION DE 2014

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Sylvie Séma invite l’artiste Geneviève Gallego à la Petite Chapelle :


 « Rhytmes et chemins d’écritures »


Geneviève Gallego peint, écrit, s’essaye à la sculpture dans les années 90 et reconnaît alors le bois comme sa matière de prédilection ; bois divers, genévrier, chêne, buis, prunus, cerisier, châtaignier, de préférence ceux qui ont inscrit dans leurs veines leur histoire, et dans lesquels elle écrit la sienne. Peu à peu, la pratique de cet art et la vision qu’elle en a s’affirment comme éléments essentiels de sa vie et de son travail de création.


 Les rythmes et chemins d’écritures font partie des thèmes majeurs de son œuvre sculptée.


Les bas-reliefs forment le fleuve des mots et des sons qui traversent la vie, se chargent des mouvements et des rythmes de l’inspiration créatrice, se gonflent des amours humaines, génèrent une vie intérieure riche et dense pour son créateur.


La musique, la poésie, la sculpture comme tous les arts ont ceci en commun qu’elles ont une écriture, qu’elles sont cette écriture, mais aussi qu’elles la dépassent, écrivant  un ailleurs où le mot, la note, le geste disent le rapport du créateur au monde et aux autres, entretenant l’altérité, provoquant l’universel, tissant une  « poétique de la Relation ».

Seuils Lassés par Sylvie Séma

Exposition - Du 5 au 27 juillet 2014, Chapelle du Verbe incarné, Avignon

Avec le concours du Fonds de dotation Agnès B.


Sylvie Séma, auteur et artiste plasticienne, a exposé ses toiles à Paris, Naples, Venise,  New York et Avignon. Elle travaille actuellement sur les écritures disparues et leurs tracés, particulièrement ceux de l’île de Pâques.


« Seuils Lassés » pose l’enlacement  de la surface et de tracés, des inclusions intimes et des désirs de nouvelles peaux ; la surface plane se retire aux formes nouées de lumière et échange, vibrante, avec le vivant ,  sa multiplicité, sa part d’informulé: le support devient cuir, pierre, arbre, élément, un envers de peau, un organe .


L’utilisation des encres frottées et de l’esquisse  peut alors révéler   la substance « solide » et permanente d’un sens perdu parfois comme dans l’écriture Rongo Rongo de l’Ile de Pâques : stèles végétales, mégalithes de bois, porteurs des mémoires disparues de la communauté désassemblée d’un lieu du pacifique, si petit, et qui résonne pourtant aux au-delà des mers et des terres comme un seuil nécessaire à tous ; Ici, la technique de l’empreinte restitue quelque chose d’essentiel de ces glyphes de bois mystérieux, une présence sacrée et vivante dans les imaginaires de chacun.


Le médium , la matière utilisée tel que la cire, la pâte pleine de son pigment, a les propriétés de la peau et permet la greffe, le tatouage ou encore l’incise : une texture lisse et douce quand on la chauffe à la température du corps humain,  une résistance et  une épaisseur qui s’offrent au tatouage, à la gravure et à l’inscription ; la matière ainsi apposée à  la transparence et à la fluidité des déclinaisons subtiles des ombres et des lumières déploie une chromatique , à la fois chronos, de stèles en abymes ; les seuils enlacés  sont des plages de lieux suspendus, hors cadre, hors de prise : ils indiquent des directions, au fur et à mesure que l’on chemine entre eux, comme dans la forêt des 3000 stèles de Chine.


 




  

La peinture de Sylvie Séma - par Patrick Saurin


Les belles peintures de Sylvie Séma demandent à être vues en pleine lumière, au grand jour. Les longs traits qui les traversent sont autant d’élancements exprimant davantage les mouvements des forces de la création qu’une volonté de donner une forme ou d’édifier.

Si ces lignes forces partagent un même dynamisme avec celles qui sous-tendent certaines cathédrales, dans les tableaux de Sylvie Sema ce dynamisme n’est pas canalisé ou mis au service d’un projet.

Contemplant ces tableaux, après avoir renoncé à y trouver une forme, un visage, c’est vers nous en définitive que reflue et s’abîme notre regard.

La peintre a effacé de ses toiles ce qui d’ordinaire nous aveugle pour nous mettre en présence d’une épiphanie secrète : l’invisible part de nous-même aux prises avec le fourmillement et le tumulte du monde.

  


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Sylvie Séma-Glissant, par Édouard Glissant (La Cohée du Lamentin, Poétique V, Gallimard 2005, p. 197-198) « Querelle de la Transparence et de la Matière »


Sylvie Sémavoine a exposé des toiles peintes sur les deux faces, ce sont des toiles à voile de bateau, remarquez bien, des toiles à voile, et la mer est toujours présente et ces toiles peu à peu transparentes, très résistantes, qu'elle accroche en fanions verticaux, se regardent ou se lisent à travers les deux exposés.


Mathieu dit que la Transparence conçue de la sorte, une visée de lumière entre deux apparitions, ou un endroit et un envers interposés, est la vraie « quatrième dimension ». Elle précéderait ainsi le Temps. Les œuvres récentes de Sylvie Séma ont d’abord été tentées par cette aventure : de lire à travers des matières superposées, d’une face à l’autre de la toile – mais elles ont résisté aux attraits d’une telle lumière dérobée. Elles ont heureusement résisté, pour le plaisir de la Substance immémoriale, qui s’établit, en fin ou en commencement, et qui résume et comprend Tout. La Matière gagne parfaitement.


Les plages de couleur ont ainsi conquis leur autonomie, c'est là ce que nous répétons à propos des peintres que nous aimons, elles vivent par elles-mêmes, le Bleu qui brûle dans ses fonds, le Rouge cardé de vieux bonheurs, les Jaunes qui fuient comme des fleuves. Le Vert, lui, très ironiquement domine. C'est la naissance de (et à) l'Autre, trouble et évidente. Chaque couleur intégrale figure l'Autre pour la couleur qui l'accompagne. La forme, les formes, ne se hasardent qu’avec des précautions, follement audacieuses, dans une telle opacité. Elles y parviennent sous l’apparence de lignages tranchants et pudiques en même temps, elles tentent alors de réveiller la Transparence, à laquelle il avait fallu en premier lieu renoncer.


Cette Transparence, une fois encore s’énonce. Non plus derrière la lumière, mais dans l’évanescence savante de tels diamants d’obscurité jaillis du pinceau. C'est dans la matière elle-même que toute transparence chemine. Les tableaux que voici de Sylvie Séma esquissent des objets de doute et d’inquisition, lancés en équilibre vertigineux dans les certitudes de la Substance, qui s’étalent autour d’eux comme des Couchants infinis. Une seule Stèle est restée, des anciens surgissements. Mais elle était déjà d’abîme. A côté, un dessin noueux grandit, noircit l’espace : il soutient ces élévations.